mercredi 1 août 2007

Du discours de Sarkozy à la Jeunesse Africaine

Monsieur Le Président Sarkozy,

Votre discours à la jeunesse africaine, lors de votre passage à Dakar ne m'a pas laissé indifférent.
A l'entame de votre discours, vous avez tenu à préciser que vous aller "parler avec la franchise et la sincérité que l'on doit à des amis que l'on aime et que l'on respecte".
je ne doute pas que vous êtes sincère et franc et que vous nous considérez comme des amis.
Mais je doute que vous ayez une connaissance profonde de vos amis et des défis auxquels ils sont confrontés.
Au sujet de la traite négrière, vous dites "nul ne peut demander aux générations d'aujourdh'ui d'expier ce crime perpétré par les générations passées". Mais nul ne vous demande d'expier ce crime. Les africains d'aujourd'hui ont pardonné ce crime contre l'humanité. Nous refusons juste l'oubli et réclamons un devoir de mémoire. D'ailleurs nous sommes, je pense un des rares peuples au pardon et à la mansuétude aisés. Pour illustration, l'Afrique du Sud , où les noirs opprimés sous l'apartheid vivent aujpourd'hui dans une quasi harmonie avec les anciens racistes et tortionnaires.
S'agissant de la colonisation, nous avons gardé en héritage le métissage et la langue du colon. Et cet héritage, nous le chérissons. Mais, ne nous demandez pas d'oublier les crimes et les méfaits commis par les colons.
D'autre part , d'ou tirez-vous cette idée que nous tenons la colonisation responsable de toutes les difficultés actuelles de l'Afrique? Nous disons tout simplement que la colonisation ne nous a pas donné l'amour du travail dont on peut tirer du bien-être. En effet le travail tel que imposé sous la colonisation a marqué au fer rouge l'inconscient collectif des africains. Ce travail a surtout aidé au développement et à la puissance du colon. Aujourd'hui ils nous faut réapprendre collectivement à reconsidérer le travail pour nous-mêmes et a en faire le moteur du développement de nos communautés. Et nous sommes sur cette voie.
Vous dites que l'homme africain doit entrer dans l'Histoire. Mais dès l'instant où nous vous avons accueilli sur nos terres, nous sommes entrés dans votre Histoire. Mais nous avons payé chèrement ce billet d'entrée.
Nous connaissons mieux que vous la réalité dans laquelle nous vivons. Cette réalité que vous décrivez faite de misère , de guerres et de génocides. Mais pensez-vous franchement que nous cultivons cette réalité? Nous ne sommes pas masochistes et faisons de notre mieux pour nous en sortir. Peut-être nous trompons-nous de moyens? Mais alors en tant qu'ami , montrez-nous la voie !
Nous cherchons la voie du développement. Mais ce développement peut-il être identique au votre ? La réponse est négative. Notre développement ne peut être une copie ou une répétition de vos réalisations. En effet, notre planète n'a pas les ressources suffisantes pour offrir à tous les peuples un tel développement. L'exemple de la chine et de l'inde en est une illustration criarde. L'émergence de ces pays a conduit a une forte tension sur les ressources en énergie , matières premières et agricoles. Imaginons que l'Afrique entre aussi dans ce cycle ! Cela serait un coup d'arrêt au développement humain de toute la planète au vu de notre démographie. Je doute fort que vous acceptiez de sacrifier votre développement sous sa forme actuelle à celui de l'Afrique.
Aujourd'hui pour soutenir votre développement, vous pillez copieusement nos ressources avec l'aide de régimes maintenus au pouvoir avec zèle depuis les indépendances. L'histoire des peuples est ainsi faite, les uns pillent les autres pour rayonner et dominer. Avec les règles actuelles, un infime accroissement de votre bien-être conduit à un accroissement important de notre misère. Donc quelque soit notre bonne volonté, motre marge de manoeuvre est fort limitée. Les dés sont pipés.

Monsieur le Président, nous avons décidé depuis fort longtemps de construire un meilleur avenir. Mais l'Histoire et les règles du jeu imposées par les puissants de ce monde sont un frein important à la réalisation de ce dessein. Il est vrai que nous avons notre part de responsabilité dans les échecs de nos tentatives répétées.
Mais si la France veut être à nos côtés pour construire notre avenir, il faudra qu'elle accepte de sceller une alliance qui assure un développement équitable et juste pour les parties impliquées. Il faudra que la France et l'Occident "cesse de ressasser et de répéter" leur vision mercantile du monde, imposée avec la traite négrière et poursuivie sous l'ère coloniale. Bref Il faudra que la France défende et impose auprès de ses pairs le concept d'un développement équitable et juste qui profiterait à toute l'humanité. Alors seulement vous serez un véritable ami de la jeunesse africaine.